Mon intervention sur la laïcité au Conseil de Paris le 12 novembre 2013

Publié le par Geneviève Bertrand

Question d’actualité du Groupe UDI, posée au Conseil de Paris le 12 novembre 2013.

Très soucieuse de clarté en matière de laïcité, c’est à la fois en tant que Présidente de la Commission Culture, Relations internationales, Affaires européennes, Patrimoine, Mémoire et monde combattant ( 9ème Commission du Conseil ,de Paris) et comme membre de l’Observatoire parisien de la laïcité, que j’ai tenu à poser à Monsieur le Maire de Paris une question sur un thème sensible, débattu, controversé et dont l’importance ne peut que croître, à Paris comme en France et dans le monde, celui de la nature et de la place de la laïcité dans l’espace parisien.

 

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Mon intervention :

« Monsieur le Maire,

Vous avez souligné à plusieurs reprises le fait que les élus centristes avaient à cœur de soulever des questions qui échappaient aux contingences de l’actualité pour aborder des sujets de fond, touchant les Parisiens dans leur vie quotidienne.

Pour cette dernière question d’actualité de la mandature, nous avons souhaité rester dans cette optique en évoquant la laïcité à Paris.

Sous la pression d’une partie de votre majorité, le Parti radical de Gauche et le Parti de Gauche, pour ne pas les citer, vous avez accepté la création d’un Observatoire parisien de la laïcité.

Nous nous voilerions la face si nous ne constations pas l’existence de deux conceptions de ce terme dans l’histoire politique de la France. Il existe une conception militante et il existe une conception apaisée.

La conception militante conçoit la laïcité comme une conviction empiétant sur les religions, les réduisant au mieux à la portion congrue, voire les appréciant négativement comme des forces qui aliéneraient la liberté des personnes. Cette vision a parfois débouché sur des persécutions intolérables.

D’autre part, il y a la laïcité apaisée, considérant les religions comme des atouts spirituels et culturels, facilitant le dialogue et les échanges entre les communautés, tout en respectant le droit fondamental de chaque personne de croire ou de ne pas croire.

Monsieur le Maire, vous n’avez jamais fait mystère de vos choix personnels en matière religieuse. Dans le même temps, vous avez, à de nombreuses reprises, marqué votre respect envers les principaux cultes auxquels adhèrent les Parisiens.

Malgré les récriminations d’une partie de votre majorité, vous avez honoré la mémoire du Pape Jean – Paul II, tombeur du totalitarisme soviétique et, dans des conditions plus apaisées, celle du Cardinal Lustiger, ciment du dialogue judéo – chrétien.

Face aux épreuves rencontrées trop fréquemment par la communauté juive, vous avez toujours répondu présent.

Vous vous êtes enfin personnellement fortement impliqué dans la nécessaire reconnaissance des musulmans parisiens, via l’Institut des Cultures d’Islam.

Monsieur le Maire, à l’heure où vous vous apprêtez à quitter notre Assemblée, avec quelques autres, nous pensons que, dans ce domaine – et quel que soit votre successeur – beaucoup de Parisiens attendent que vous réaffirmiez ce principe d’une laïcité apaisée que vous avez toujours défendu.

Nous ne vous cachons pas que nous sommes parfois inquiets des attaques portées par certains de vos alliés contre le principe de neutralité qu’impose la conception française de la laïcité.

Les patronages, les cliniques, les centres culturels, les crèches associatives, les associations cultuelles diverses participent intimement, depuis des décennies, à la vie parisienne.

Nous serions heureux que vous laissiez en héritage à vos successeurs, quels qu’ils soient, cette politique de la reconnaissance en matière religieuse à laquelle nous avons adhéré parce qu’elle touche aux tréfonds du pacte social français.

Merci, Monsieur le Maire, de nous rassurer et de rassurer les nombreux Parisiens qui placent leur foi au cœur de leur engagement au service de la société. Il ne faudrait pas que l’Observatoire de la laïcité que vous avez initié devienne un instrument de défiance envers les communautés religieuses de Paris, comme l’espèrent certaines familles de pensée, au nom d’une vision éculée du laïcisme.

Je vous remercie. »

Réponse du Maire de Paris :

Après la réponse « officielle » de Madame Claudine Bouygues, Adjointe au Maire de Paris, (qui peut être écoutée sur le siteparis.fr), Monsieur Bertrand Delanoë a tenu à répondre personnellement.

« Madame Bertrand,

Je veux simplement vous dire, même s’il y avait involontairement un petit côté presque funèbre dans l’héritage, il faut que je m’y habitue (…)que l’équipe qui viendra après mars 2014 fera ce qu’elle pensera être le mandat reçu des Parisiens.

Je veux vous dire, j’ai une totale confiance dans l’équipe qui m’entoure aujourd’hui, sur l’esprit dont nous faisons preuve ensemble.

Je vais vous le dire avec conviction, parce que je crois que c’est la laïcité, justement, qui permet de faire respecter l’identité religieuse de chacun, sans oublier les non – croyants, ce que je répète tout le temps.

Je vous dis, en revanche, que je pense qu’il faut toujours mettre en valeur toutes les richesses de Paris : qu’elles soient religieuses, athées, toutes les richesses de Paris doivent être mises en valeur. C’est ce que j’ai tenté de faire, parce que je pense que lorsque l’on sait reconnaître le mérite de chacun, on unifie la société parisienne.

Enfin, ce que je déteste, sous toutes les latitudes, c’est l’utilisation de la religion à des fins politiques. Oui, il y a les excès graves auxquels vous pensez, qui encouragent des esprits totalitaires. Mais il y a aussi, dans la politique quotidienne, parfois, des tentations, peut – être, là aussi, involontaires que je réprouve.

Je vais vous en donner un exemple. Je ne cesse de lire des papiers sur le fait que cette équipe municipale n’entretiendrait pas bien les églises parisiennes.

D’abord, je rappelle à tous que si une grande partie des églises parisiennes appartient à la commune, comme dans les autres communes de France, c’est un héritage, puisqu’on parle d’héritage, de la Révolution.

Deuxièmement, il se trouve que j’ai regardé tout à l’heure les chiffres que j’avais demandés. Dans la mandature 1995 – 2001, les sommes consacrées à la rénovation des églises à Paris étaient d’un peu plus de 5 millions d’euros par an. Dans la mandature 2001 – 2008, c’étaient un peu plus de 11 millions d’euros par an et dans la mandature 2008 – 2014, ce sont un peu plus de 10 millions d’euros par an.

Ce n’est pas la peine de me donner tout de suite la démonstration de ce que j’ai dit tout à l’heure.

Je ne veux pas qu’on instrumentalise …

Il se trouve, mais c’est vous qui me le faites dire, que nous faisons le double de ce que faisaient nos prédécesseurs. Mais je ne l’ai jamais utilisé pour aller dans les églises en disant : « Regardez, je fais mieux ! »

Madame Bertrand, l’esprit de laïcité, c’est le respect et la non – instrumentalisation de la religion à des fins politiques, voire politiciennes, et je vous remercie de me l’avoir fait dire.»

Publié dans Conseil de Paris

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