Intervention sur la Communication du Maire de Paris sur le développement économique, l'innovation, la recherche et l'enseignement supérieur

Publié le par Geneviève Bertrand

CONSEIL DE PARIS  13-14 Novembre 2006

 

 INTERVENTION de Mme Geneviève BERTRAND sur la Communication du Maire de Paris sur le développement économique, l’innovation, la recherche et l’enseignement supérieur 

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

Très attendue, votre communication sur le développement économique, l’innovation, la recherche et l’enseignement supérieur nous est apparue, au groupe UDF, comme un feu d’artifice, riche des prises de conscience de l’accélération des changements du monde et embrassant le spectre de la prévention des besoins. Vous y traitez de l’attractivité des villes et de la diversité des emplois, deux soucis prioritaires, deux maîtres mots.

Attractivité vitale qu’il appartient aux élus de mettre en œuvre et qui doit être au cœur de leurs préoccupations. Les critères en sont : les infrastructures, le cadre de vie, la fiscalité et, bien sûr, l’attention que l’on porte aux entreprises.

Diversité qui va de l’équipement le plus large et le plus rapide aux nouvelles technologies de l’information et des communications, indispensables tant aux entreprises qu’aux particuliers et, enfin, prise en compte des personnes les plus fragiles quant à l’accès à l’accès à l’emploi.

Un récent Forum sur la diversité qui s’est tenu dans cette maison a montré que les personnes les plus fragiles étaient non seulement les personnes handicapées, non seulement celles qui ont une mauvaise adresse, mais plus surprenant les personnes de forte corpulence qui représentent 12 % de la population parisienne, paraît-il.

Au-delà du bilan des perspectives économiques de la Capitale que vous exposez, notamment dans les orientations budgétaires, année après année, aujourd’hui il est de plus question des universités et de la recherche qui sont le moteur de l’avenir, le nerf de la guerre économique mondiale.

Un Eurobaromètre récent a montré que l’opinion publique européenne avait une très pâle conscience des changements qui se produisent sur la planète. Non, Rotterdam n’est plus le premier port du monde, ni Hong Kong, ni même Singapour, c’est Shanghai.

Le monde change de vitesse et change d’échelle. Un exemple : le commerce des containers qui portait sur 40 millions de boîtes en 1980 atteint à présent 300 millions de boîtes.

 Nous reconnaissons ce qui s’accomplit à Paris depuis quelques années et que les observateurs confirment, tant en ce qui concerne le tourisme d’affaires que les implantations d’entreprises, que les créations d’emploi, que toutes sortes de solution, plus inventives les unes que les autres. Nous reconnaissons aussi l’accélération des partenariats publics-privés, qui ont fait merveille depuis bien longtemps déjà dans des villes aussi sinistrées que Manchester, Birmingham ou Liverpool et qui apparaissent comme un triple accélérateur en matière culturelle  en matière de modernisation de la gestion publique et en matière d’investissement puisque cela accroît les capacités financières.

Mon intervention se concentrera sur trois points qui sont soit des silences soit même un drame.

 Le premier silence est vraiment abyssal. C’est celui qui  ne fait aucune mention de la stratégie de Lisbonne. C’est une chose tout à fait étrange tout de même.

La stratégie de Lisbonne a été décidée par le Conseil européen de mars 2000, au moment où l’Union européenne a pris conscience du formidable bouleversement induit par la mondialisation et des défis inhérents à une nouvelle économie fondée sur la connaissance. Tous ces changements portant sur tous les aspects de la vie des personnes et des entreprises appelaient une transformation radicale de l’économie européenne.

 L’Union s’est donc fixée alors comme objectif stratégique, pour la décennie 2000-2010, de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».

 A mi-parcours de cette décennie, qu’en est-il ? Il apparaît  que les pays qui sont en tête de la compétitivité sont la Finlande, la Suède, le Danemark, l’Allemagne et la Suisse. La France n’arrive qu’en 9ème position, parmi les pays à performance moyenne. Or, les villes, qui regroupent 78 % de la population de l’Union européenne sont ou devraient être, autant que les Etats-membres, parties prenantes de la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne.

 Une enquête d’octobre 2005, effectuée pour le Comité européen des régions, montre que 17 % des collectivités territoriales seulement considéraient avoir été impliquées correctement dans l’élaboration des plans nationaux de réforme. 80 % des collectivités territoriales estimaient n’avoir pas été suffisamment consultées par les Gouvernements nationaux. Pourtant, et je cite, « la clef du succès de la stratégie de Lisbonne réside dans la concertation entre l’Union européenne, les gouvernements nationaux et les collectivités territoriales. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le président du Comité des régions européennes, le 28 juin dernier. Ce président est un Français, Michel DELEBARRE. Voilà un exemple supplémentaire de la schizophrénie française dès qu’il s’agit d’Europe.

 Deuxième point de faiblesse. Il est grand temps de procéder à la clarification de la répartition des compétences économiques entre les collectivités publiques. Qui est responsable de quoi entre les collectivités ? Il faut que les entrepreneurs ne se heurtent plus, soit en face des administrations, soit en face du monde politique, à des hommes et des femmes qui seraient davantage des personnes d’objection que d’objectif.

 Voyez le parcours du combattant : quand une entreprise veut s’implanter dans une commune, elle doit s’adresser à la Ville pour ce qui est de l’urbanisme, à la Communauté d’agglomération pour les achats de bâtiments, à la Région pour les aides économiques et, si elle est éligible, aux programmes européens tel Urban, Equal, le Feder, le F.S.E, etc. à l’Europe. Le fatras juridique est el, et ce n’est pas moi non plus qui l’invente, c’est la présidente du M.E.D.E.F qui le souligne lors du colloque organisé sur l’attractivité des villes, la semaine dernière, en compagnie de l’Association des maires des grandes villes de France, qu’il est grand temps que les entreprises et les élus travaillent ensemble à clarifier les compétences et à simplifier le cadre réglementaire et législatif trop complexe, castrateur et mortel, si l’on songe qu’en Chine, il suffit de trois mois pour réaliser ce qui nécessite un an en France.

 Pour que les entreprises françaises et étrangères se développent sur notre territoire, il faut créer un environnement favorable et non suspicieux. Cela suppose que les autorités publiques et les entreprises travaillent la main dans la main et non les unes contre les autres.

 A cet égard, la récente inauguration de « Bioparc », dans l’Est de la Capitale, dans le contexte du pôle de compétitivité « Médicen », est la meilleure réalisation qui soit. 

Pour moi qui suis une fan des pôles de compétitivité, je regrette que les élus parisiens n’aient pas été formellement associés à l’inauguration de ce qui a été une démonstration magnifique de partenariat à l’œuvre. C’est évidemment la bonne méthode d’aménagement du territoire, à condition toutefois qu’il ne s’embourbe pas dans une gouvernance bureaucratique.

Tout autant que ses synergies et ses partenariats, Paris doit penser et passer au développement, j’oserais dire de grands ensembles « transfrontaliers », à l’instar des liaisons Toulouse-Barcelone, ou de la Ruhr à la Lombardie en passant par Rhône-Alpes.

Nos ambitions, à nous, doivent être Paris-Ivry, Paris-Plaine Commune et beaucoup d’autres, à l’image de Grenoble qui a créé sa vallée de l’intelligence, de Grenoble à Genève.

Troisième et dernier point. J’en viens au drame qui fait notre honte commune et qui est le scandaleux sort que nous faisons collectivement aux jeunes.

Méprisés et oubliés au début de leur vie active, où sont les indispensables foyers d’étudiants et foyers de jeunes travailleurs, l’accueil dans la vie professionnelle au niveau de leur qualification ?

Nous attendons en plus d’eux qu’ils nous prennent en charge dans notre très longue vieillesse potentielle. Nous fabriquons nous-mêmes la guerre des générations à venir avec nos dettes à payer et nos retraites à supporter.

Notre première urgence est de fabriquer non pas des palliatifs, des aides, des pansements mais bien des emplois, des horizons, de l’avenir pour ces montagnes d’énergie et de talents qu’ils représentent.

En matière de recherche, oui à l’accueil organisé des chercheurs étrangers, mais d’abord non à la perte organisée de la substance nationale.

Nous formons, et notamment à Paris, des chercheurs parmi les meilleurs du monde. Nous investissons avec l’argent des contribuables français et ensuite, nantis de ce bagage, ils sont appelés où doivent aller apporter leur vitalité, leur inventivité, leurs connaissances aux laboratoires américains et australiens.

Il faut inverser ce processus. Il faut qu’après quelques années enrichissantes à l’étranger, ils reviennent. C’est ainsi, avec ces allers-retours, que l’Irlande a bâti son miracle économique.

Il nous faut donc aussi penser, et c’est une nécessité, à un changement profond dans la gouvernance des universités, en venir à l’autonomie des universités afin qu’elles libèrent leur potentiel créateur et que les décisions soient prises rapidement et efficacement par des équipes restreintes. Cela devient une question de survie par rapport à leurs homologues européennes ou étrangères.

La France se place dans les premiers pays européens par ses atouts formidables en nombre et en qualité de chercheurs. Les classements européens la propulsent au somment du palmarès mais c’est à elle de les retenir.

Enfin, pour conclure, je pense que nous devons faire nôtre ce leitmotiv : qu’il n’y ait plus de jeunes sans métiers et qu’il n’y ait plus de métiers sans jeunes.

Je vous remercie.

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G
Bravo pour l\\\'ensemble du texte, à la fois très bon sur le fond et très pédagogique
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B
tu as 1 blog???!!!!<br /> <br /> <br /> (merci pour ta carte postale)<br />
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